Dossier : AK-32756





Relevé d'observation

Individu : Demange Patrick
Age : indéterminé
profession : inconnue


Ce relevé correspond à la retranscription des paroles du patient obtenues lors des différentes séances.

I> Le matin (rèf. AK-32756-I)
II> Le bar
(rèf. AK-32756-II)
III> Le centre ville
(rèf. AK-32756-III)
IV> L'hôtel de police
(rèf. AK-32756-IV)
V> La chambre
(rèf. AK-32756-V)
VI> L'école
(rèf. AK-32756-VI)
VII> Rêve de mémoire
(rèf. AK-32756-VII)
VIII> Le docteur
(rèf. AK-32756-VIII)
IX> Réalités
(rèf. AK-32756-IX)


Anamnèse III

III> Le centre ville (rèf. AK-32756-III)


A cette heure, le centre ville est assez peu fréquenté. Les commerçants de proximité sont ouverts. Je cherche un point presse. J'achète le journal régional.


Le titre principal porte sur la journée sans voiture et son impact sur la pollution et l'économie locale. Il n'y a rien sur le pendu trouvé dans les locaux de ma société. Je ne suis pas étonné, la découverte est d'aujourd'hui. Ça fera les titres du lendemain.

Mais je suis étonné par la coïncidence entre mon amnésie et ce fait divers.


Je me dirige vers l'hôtel de ville. J'ai envie de m'asseoir dans un parc, entouré de verdure. Il doit bien y en avoir un dans les environs.

J'ai envie de me balader, de côtoyer des personnes qui ne me connaissent pas, qui ne m'évaluent pas et qui ne me jugent pas.


Je passe par des rues commerçantes. Quelques personnes me croisent.


Je rentre dans une boutique de vêtements. Je flâne, je regarde. Je vais m'habiller autrement. J'achète une chemise et un pantalon décontractés. Ils me vont bien. Je paye avec ma carte de crédit. Je vais m'acheter de nouvelles chaussures. J'opte pour des basquettes solides. Je pense que je vais faire beaucoup de marche aujourd'hui.


Je me rapproche de l'hôtel de ville. J'entends des cloches. Onze heures. Je vais acheter un sandwich et une boisson.

Vers l'hôtel de ville, les rues s'élargissent. Au fond, je distingue le faîte d'une église. Je me dirige vers elle.

J'essaye d'imaginer cette ville avec des voitures. Mon imagination me fait défaut.

Je me rapproche de l'église. À l'angle d'une rue, je perçois le parvis. J'avance jusqu'à voir la façade. Un flash. Une bride du passé ? Une image sortie de mon imagination ? J'ai vu un mariage. La mariée s'appelait Mariam. Le marié... Je me fige. Je regarde mon annulaire. Une marque presque imperceptible. J'ai été marié !

Secoué par cette nouvelle absence de mon passé, je reprends ma marche.


Les cloches de l'église sonnent 12h00. Je dépasse l'église. Je distingue un parc public. La place de l'église commence à se remplir de monde. Les gens sortent pour déjeuner. Je pénètre dans le parc. Il y a des bancs un peu partout. Au centre, il y a une zone de jeux pour les enfants. Cette zone est protégée par une grille et un système interdisant l'accès aux vélos. Le cris des enfants me parviennent. Ces sons me réchauffent. C'est la seule fois, depuis le bar, que je me réchauffe. Je choisis un banc un peu à l'écart, face à l'aire de jeux.

Je m'installe sur le banc. Je déballe mon sandwich que j'entame et je prépare la boisson. Je déplie mon journal. Comme je vais passer la journée dehors, je commence par lire les prévisions météorologiques. Il va faire beau. Tant mieux car je n'ai rien acheté pour me protéger en cas de pluie.

Je regarde l'orée du parc. Des personnes viennent, certaines accompagnées par leur animaux de compagnie.

Je jette un œil aux enfants qui jouent. Je distingue leur joie lorsqu'ils sont au bord du toboggan et qu'ils s'y jettent pour une glissade mémorable.

Je me replonge dans le journal. En page régionale, j'apprends qu'il risque d'y avoir une grève dans les transports ferrés. Depuis plusieurs années les salaires n'ont pas suivi l'augmentation générale des prix. Un peu plus loin j'apprends qu'une usine va fermer. Une unité plus rentable a été ouverte ailleurs. Les salariés avaient le choix de partir ou de perdre leur emploi.

La région va bien. Les travaux d'infrastructure routière prévus par le plan avancent bien. Les coûts sont inférieurs au budget prévu. Les impôts locaux devraient baisser.

Je regarde les pages internationales. « Bientôt la guerre sur le continent africain ? » Voilà un titre accrocheur. Je regarde plus bas.


Une voix m'interpelle :

  • « Monsieur ! »


Je lève les yeux de mon journal. Je distingue deux agents des forces de l'ordre face à moi.

  • « Oui ? » répondis-je.

  • « Bonjour, puis-je voir vos papiers s'il vous plaît ? » me demande celui qui semble commander.

  • « Pourquoi ? » demandais-je étonné que ces représentants de l'ordre s'intéressent à moi ?

  • « Contrôle d'identité, Monsieur. »

  • « Il y a un problème ? »

  • « Non, simple contrôle de routine, Monsieur. » me répondis l'homme à l'uniforme impeccablement repassé. Son acolyte restait impassible, immobile comme une statue dont le regard figé me transperçait.


Pourquoi de tels contrôles en plein milieu de la journée dans un parc au centre ville ? Je sort mes papiers et les tends aux policiers.

  • « Voulez-vous nous suivre, Monsieur », ordonna le commandant.

  • « Pourquoi ? Y aurait-il quelque chose que l'on puisse me reprocher ? » demandais-je. Je sent l'angoisse monter.

  • « Vous êtes recherché depuis ce matin, Monsieur, » me répondit-on. « Depuis que nous avons découvert que le pendu de l'usine est un membre de votre équipe, nous vous recherchons pour obtenir votre déposition. Vous n'avez pas écouté les informations ? »

  • « Non. » mentis-je instantanément, sans réfléchir.

L'angoisse monte, la chaleur que je commençais à ressentir depuis mon entrée dans ce parc a laissé la place au froid. Ce même froid qui est mon compagnon depuis ce matin, depuis l'école, depuis ce moment au delà duquel ma mémoire ne me révèle plus rien. L'étau autour de ma tête revient. Je serre les dents.

  • « Je vous suis. » dis-je simplement.